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Rapport 2022 sur la traite des personnes aux Comores
Publié par le Département d'Etat des États-Unis
17 MINUTE READ
août 5, 2022

COMORES (Catégorie 2 – Liste de surveillance)

Le gouvernement des Comores ne se conforme pas entièrement aux normes minimales pour l’élimination de la traite mais fournit des efforts significatifs pour y parvenir.  Le gouvernement a réalisé des réalisations clés au cours de la période de rapport, compte tenu de l’impact éventuel de la pandémie de COVID-19 sur sa capacité de lutte contre la traite ; c’est pourquoi les Comores ont été reclassées au niveau 2 – liste de surveillance.  Ces réalisations comprennent des enquêtes sur les crimes de traite (pour la première fois depuis 2014) et l’ouverture de la première poursuite judiciaire du pays en matière de traite.  Le gouvernement a identifié les victimes de traite pour la première fois depuis 2013 et a orienté toutes les victimes vers des services de protection.  Le gouvernement, en partenariat avec une organisation internationale, a élaboré et mis en œuvre des procédures opérationnelles standard (POS) pour l’identification des victimes et a dispensé une formation sur ces procédures aux fonctionnaires des trois îles (Grande Comores, Anjouan et Mohéli).  Le gouvernement a également mené des campagnes de sensibilisation à la lutte contre la traite pour la première fois en trois ans.  Malgré ces réalisations, le gouvernement n’a jamais déclaré avoir condamné un auteur de traite ; il n’a toujours pas mis en place de mécanisme national d’orientation (MNO) pour orienter les victimes vers les soins appropriés ; il n’a pas finalisé de plan d’action national (PAN) pluriannuel pour lutter contre la traite ; et il n’a pas alloué de fonds spécifiques aux efforts de lutte contre la traite, notamment aux activités menées par groupe de travail de lutte contre la traite.

RECOMMANDATIONS PRIORITAIRES

    • Enquêter et poursuivre vigoureusement les auteurs de traite présumés, y compris tout fonctionnaire complice, et condamner les auteurs de traite reconnus coupables aux peines prévues par le code pénal.
    • Identifier systématiquement et de manière proactive les victimes de traite en recherchant les indicateurs de la traite parmi les populations vulnérables, notamment les enfants employés comme domestiques, les enfants fréquentant les écoles coraniques et les Comoriens rapatriés du Département Français de Mayotte, et orienter toutes les victimes vers les services appropriés.
    • Finaliser et mettre en œuvre un MNO officiel pour orienter les victimes vers les soins appropriés.
    • Modifier les dispositions relatives à la traite dans le code pénal afin de prescrire des peines pour la traite sexuelle des adultes qui soient proportionnelles aux peines prescrites pour d’autres crimes graves, tels que le viol.
    • Allouer un financement spécifique au groupe de travail de lutte contre la traite afin qu’elle puisse mettre en œuvre toutes ses activités.
    • Augmenter la formation à la lutte contre la traite à tous les fonctionnaires de première ligne, y compris les forces de l’ordre, les travailleurs sociaux, les prestataires de services de santé, les procureurs, les juges et la société civile.
    • Finaliser, mettre en œuvre et financer un plan d’action national pluriannuel pour lutter contre la traite.
    • Renforcer la collaboration avec les fonctionnaires Français pour lutter contre la traite des Comoriens à Mayotte.
    • Mettre en œuvre et appliquer de manière cohérente une réglementation et une surveillance strictes des sociétés de recrutement de main-d’œuvre, notamment en éliminant les frais de recrutement facturés aux travailleurs migrants et en tenant les recruteurs de main-d’œuvre frauduleux pénalement responsables.
    • Etendre les campagnes de sensibilisation publique contre la traite aux trois îles, en ciblant spécifiquement les populations vulnérables d’Anjouan et de Mohéli.
    • Développer la collecte de données au niveau national sur les crimes de traite, y compris les efforts d’application de la loi contre la traite et les victimes de la traite identifiées.

POURSUITE

Le gouvernement a augmenté les efforts d’application de la loi contre la traite.  Les modifications apportées au code pénal en février 2021 ont criminalisé la traite à des fins sexuelles et la traite de main-d’œuvre.  L’article 266-11 du nouveau code pénal prévoit des peines de sept à dix ans d’emprisonnement et une amende de 30 millions de francs comoriens (69 000 dollars) pour les crimes impliquant une victime adulte, et de dix à vingt ans d’emprisonnement et une amende de 30 millions de francs comoriens (69 000 dollars) pour ceux impliquant une victime enfant.  Ces peines étaient suffisamment sévères.  Cependant, les peines prévues pour la traite d’adultes à des fins sexuelles n’étaient pas proportionnelles à celles prévues pour d’autres crimes graves, tels que le viol.  Le gouvernement a coordonné avec une organisation internationale la rédaction de la première loi autonome du pays contre la traite ; le projet était en attente d’approbation par l’Assemblée Nationale à la fin de la période du rapport.

Le gouvernement a enquêté sur quatre cas de traite – trois pour le travail forcé et un impliquant à la fois la traite à des fins sexuelles et la traite de travailleurs- au cours de la période de référence, contre zéro enquête depuis 2014.  Le gouvernement a engagé une poursuite pour traite – la première du pays – concernant un homme franco-comorien accusé d’avoir exploité une jeune fille malgache en travail forcé aux Comores.  Le gouvernement n’a jamais déclaré avoir condamné un auteur de traite.  Le gouvernement n’a pas signalé d’enquêtes, de poursuites ou de condamnations d’employés du gouvernement prétendument complices de délits de traite d’êtres humains.  La police manquait de ressources de base, notamment de véhicules, de carburant et d’équipement, ce qui limitait sa capacité à enquêter sur les cas de traite.  Bien que le gouvernement les en ait dissuadés, les familles ou les anciens des villages ont continué à régler de nombreuses allégations de violence sexuelle, y compris peut-être de traite sexuelle et de servitude domestique des enfants, de manière informelle par des moyens traditionnels sans recourir au système judiciaire formel.  Pour la deuxième année consécutive, le gouvernement a augmenté les efforts de formation des forces de l’ordre.  Le gouvernement, à la fois indépendamment et en partenariat avec des organisations internationales, a formé la police, la gendarmerie, les autorités d’immigration et d’autres fonctionnaires à l’application, aux politiques et aux lois de lutte contre la traite.  Les autorités comoriennes ont collaboré avec les autorités ivoiriennes pour enquêter sur un cas de travail forcé.  Le gouvernement a également continué à collaborer avec les autorités françaises pour enquêter sur une affaire de travail forcé à Mayotte ; cependant, en raison de l’inaction locale sur cette affaire, les autorités comoriennes ont tenté de faire extrader le suspect aux Comores.

PROTECTION

Le gouvernement a augmenté les efforts pour protéger les victimes.  Le gouvernement en partenariat avec une organisation internationale, a identifié huit victimes – les premiers victimes identifiées depuis 2013 – et a orienté toutes les victimes et les personnes qui sont à leurs charges vers une assistance.  Parmi les huit victimes identifiées, six ont été exploités dans le travail forcé et deux à la fois dans travail forcé et dans la traite à des fins sexuelles ; trois ont été exploités aux Comores tandis que cinq ont été exploités à l’étranger en Côte d’Ivoire, à Oman, en Tanzanie et à Mayotte ; deux étaient de sexe masculin et six de sexe féminin ; six étaient adultes et deux étaient des enfants ; quatre étaient des ressortissants Comoriens tandis que les quatre autres étaient des étrangers provenant du Burundi et de Madagascar.  Le gouvernement en partenariat avec une organisation internationale a élaboré les premières POS d’identification de victimes du pays, qui comprenait un manuel et un questionnaire.  Le gouvernement a vulgarisé les PS et octroyé une formation aux autorité d’application de la loi et aux services d’écoute sur les trois îles vers la fin de 2021.  A l’aide des POS nouvellement établies, le gouvernement a augmenté les efforts pour rechercher les indicateurs de traite chez les populations vulnérables dont les migrants étrangers et les victimes de maltraitance ; au cours des années précédentes, le gouvernement a régulièrement expulsé les victimes potentielles sans rechercher les indicateurs de traite.  Le gouvernement ne disposait toujours pas de MNO pour orienter les victimes vers les services ; toutefois, les responsables, en partenariat avec une organisation internationale, a commencé à élaborer un MNO pour compléter les nouvelles POS pour l’identification des victimes.

Le gouvernement s’est associé à des organisations internationales et à des ONG locales pour offrir une assistance aux huit victimes identifiées, y compris un logement temporaire, des soins médicaux, des conseils, une formation professionnelle et un rapatriement volontaire pour les victimes étrangères ; cependant, les services offerts à Anjouan et à Mohéli étaient limités par rapport aux services disponibles sur la Grande Comores.  Le gouvernement a continué à fournir un soutien financier aux centres d’écoute, y compris les salaires des employés et les espaces de bureau.  Pour la première fois, le gouvernement a fourni une formation sur la lutte contre la traite des êtres humains au personnel des centres d’écoute.  Les centres d’écoute, avec l’aide de la société civile, ont fourni un logement temporaire à une victime de la traite et ont continué à offrir des soins médicaux, des conseils psychosociaux et une assistance juridique, principalement aux femmes et aux enfants victimes d’abus et de violence, y compris aux victimes potentielles de traite.  Le gouvernement a continué à gérer des centres d’écoute dans quatre endroits – deux sur la Grande Comores, un sur Anjouan et un sur Mohéli.  En 2021, les centres d’écoute ont déclaré avoir fourni une assistance à au moins 186 femmes et enfants sur Grande Comores, contre au moins 256 en 2020.  Les centres d’écoute ont enregistré ces personnes comme étant des victimes d’abus ; cependant, certaines de ces victimes peuvent avoir été des victimes de traite.  Il n’y avait pas de centres d’accueil spécifiques à la traite disponibles pour les victimes dans le pays.  En raison de l’élaboration récente de procédures opérationnelles standardisées d’identification des victimes, fin 2021, certaines victimes ont pu rester non identifiées au sein du système d’application de la loi pendant la période de rapport.  La loi comorienne permet aux victimes de crimes, y compris la traite, de recevoir une indemnisation de la part du gouvernement ou des auteurs de traite par le biais de poursuites civiles ; cependant, il n’y a eu aucun rapport indiquant que les victimes de traite ont reçu une indemnisation.  Malgré les exigences de la loi de 2015 sur le travail des enfants, le gouvernement n’a pas créé de fonds de soutien pour les enfants vulnérables à la traite.

PRÉVENTION

Le gouvernement a maintenu ses efforts pour prévenir la traite.  Le secrétaire général a continué de superviser le groupe de travail interagences de lutte contre la traite, composé de représentants des agences gouvernementales concernées, des centres d’écoute et des organisations internationales, afin de diriger les efforts du gouvernement en matière de lutte contre la traite.  Le groupe de travail s’est réuni régulièrement en 2021 pour planifier des campagnes de sensibilisation, coordonner les affaires de traite et élaborer des plans visant à créer un département de lutte contre la traite au sein du gouvernement.  Le budget fédéral ne prévoyait pas d’allocation spécifique pour les programmes de lutte contre la traite dirigée par le groupe de travail ; toutefois, le groupe de travail a reçu des fonds sur une base ad hoc du Ministère des Affaires Etrangères et des organisations internationales pour mener des activités de lutte contre la traite.  Le gouvernement ne disposait pas d’un PAN pluriannuel à long terme de lutte contre la traite des êtres humains ; cependant, le groupe de travail a continué à mettre en œuvre le PAN 2020, qui déléguait des actions spécifiques à court terme aux agences gouvernementales concernées.  Le groupe de travail a indiqué avoir rédigé un PAN pluriannuel actualisé, mais qu’il n’avait pas achevé la version finale à la fin de la période couverte de rapport.  Pour la première fois en trois ans, le gouvernement, en partenariat avec des organisations internationales, a mené des campagnes de sensibilisation ciblant les autorités locales, les chefs religieux et le grand public sur la Grande Comores ; cependant, le gouvernement n’a pas indiqué avoir mené de campagnes de sensibilisation ciblant les populations vulnérables sur Anjouan ou Mohéli.  Le gouvernement a continué à financer deux lignes d’urgence gratuites pour les trois îles, qui ont été utilisées pour signaler les crimes aux centres d’écoute ; cependant, le gouvernement n’a pas suivi les données d’appel relatives aux victimes potentielles de traite des êtres humains.

Le Ministère du Travail employait quatre inspecteurs du travail chargés de mettre en œuvre la loi de 2015 sur le travail des enfants interdisant la traite des enfants; cependant, ils n’ont pas reçu de formation sur les lois pertinentes en matière de traite et n’ont pas reçu de ressources opérationnelles pour mener des inspections du travail sur les sites de travail informels, où les enfants sont particulièrement vulnérables au travail forcé.  Le gouvernement ne disposait pas de politiques ou de lois efficaces pour régir les recruteurs de main-d’œuvre et n’a pas indiqué avoir tenu quelqu’un pour responsable au civil ou au pénal d’un recrutement frauduleux.  En 2016, le Ministère du Travail a signé un accord avec plusieurs agences de recrutement de main-d’œuvre pour faciliter l’examen des processus de recrutement transnationaux et surveiller les annonces d’emploi dans le but d’identifier les activités de recrutement qui pourraient mettre en danger les Comoriens cherchant un emploi à l’étranger ; cependant, le gouvernement a fait des efforts minimes pour réglementer les agences de recrutement de main-d’œuvre depuis.  En février 2022, le gouvernement a mis en place un groupe de travail informel pour superviser les conditions de travail des Comoriens vivant et travaillant à l’étranger.  Le gouvernement n’a pas fourni de formation à la lutte contre la traite à son personnel diplomatique, et n’a pas fait d’efforts pour réduire la demande d’actes sexuels commerciaux.

LE PROFIL DE LA TRAITE

Comme cela a été signalé au cours des cinq dernières années, des auteurs de traite d’êtres humains exploitent des victimes nationales et étrangères aux Comores, et les auteurs de traite exploitent des victimes comoriennes à l’étranger.  Des auteurs de traite exploitent les femmes et les enfants des zones rurales dans les villes urbaines, comme Moroni, pour le travail forcé ; ces personnes peuvent également être vulnérables à la traite à des fins sexuelles.  Des auteurs de traite exploitent des adultes comoriens dans le cadre du travail forcé dans l’agriculture, la construction et le travail domestique à Mayotte, un département Français, et en Afrique continentale.  Des auteurs de traite exploitent des Comoriens dans le cadre de la servitude domestique au Moyen-Orient.  Des auteurs de traite et des employeurs d’Anjouan peuvent soumettre les enfants, dont certains ont été abandonnés par leurs parents partis chercher des opportunités économiques dans d’autres pays, au travail forcé dans le service domestique, la vente sur les routes et les marchés, la boulangerie, la pêche et l’agriculture.  Des familles rurales pauvres, souvent à Anjouan et à Mohéli, envoient fréquemment leurs enfants vivre avec des parents plus riches ou des connaissances dans les zones urbaines ou sur la Grande Comores pour avoir accès à l’école et à d’autres avantages socio-économiques ; ces enfants sont vulnérables aux abus physiques et sexuels et au travail forcé dans la servitude domestique.  La plupart des enfants comoriens âgés de 3 à 7 ans (et certains jusqu’à 14 ans) étudient dans des écoles coraniques de quartier informelles dirigées par des instructeurs privés, où ils sont susceptibles d’être exploités par la coercition et le travail forcé comme ouvriers agricoles ou domestiques en échange de leur instruction.  Ces enfants peuvent également être victimes d’abus physiques et sexuels.  Les quelque 3 000 à 4 000 enfants comoriens non accompagnés vivant à Mayotte sont particulièrement vulnérables à la servitude domestique et à la traite à des fins sexuelles.  Les Comoriens peuvent être exposés à un risque élevé de trafic transnational en raison de l’absence de contrôles adéquats aux frontières, de la corruption des fonctionnaires et de l’existence de réseaux criminels internationaux impliqués dans le trafic de migrants.  Les trafiquants exploitent les jeunes filles malgaches en situation de servitude domestique aux Comores ; ces personnes sont souvent victimes d’abus sexuels et peuvent être vulnérables au trafic sexuel.  Les migrants économiques et les demandeurs d’asile qui tentent de rejoindre Mayotte depuis d’autres pays africains, principalement Madagascar, le Burundi et la République démocratique du Congo, transitent de plus en plus par les Comores ; les auteurs de traite peuvent exploiter ces migrants irréguliers dans le cadre du travail forcé ou de la traite à des fins sexuelles dans les différents points de transit.